Tu n'as pas idée à quel point j'ai galéré pour cet épisode. Je crois que je l'ai bien réécrit 10 fois. On va parler d'un sujet vraiment sensible, ultra complexe et qui a déjà ouvert des tonnes de débats pas toujours très bienveillants dans la communauté du chien. Un sujet dans lequel je n'ai pas franchement envie de mettre les pieds, et pourtant quand je vois le peu de ressources que je trouve quand je cherche sur ce sujet, ou en tout cas que je trouve justes et pertinentes... je me dis que je me dois de faire cet épisode. Alors, on retrousse les manches, et on s'y colle, c'est parti !
Aujourd'hui, la phrase que j'ai sélectionnée, c'est celle ci : "Mon chien est dominant". Du coup, oui, on va parler de dominance, en tout cas un peu, mais pas que de ça.
La dominance, c'est le fameux sujet dont je n'avais pas franchement envie de te parler mais je pense qu'il le faut vraiment. Parce que malheureusement, encore aujourd'hui, ce terme est utilisé à tort et à travers et si tu le tapes sur Google, tu tombes encore sur des choses complètement erronées dans le top des résultats.
Et je trouve ca vraiment grave, parce que premièrement les enjeux peuvent être vraiment terribles pour les chiens. Au nom de la dominance, certains te conseillent encore aujourd'hui de forcer physiquement ton chien à se mettre sur le dos jusqu'à ce qu'il arrête de se défendre ou qu'il montre des signes de "soumission" c'est à dire de crainte bien souvent - je te laisse imaginer l'état de la relation avec ton chien après avoir fait ca. Et ça passe même encore aujourd'hui à la télé dans des émissions dites "éducatives" malheureusement.
Après, il y a heureusement une majorité de personnes un peu plus nuancées, qui croient sincèrement à ce concept, mais qui n'iront jamais jusqu'à de tels actes.
Parfois, elles se serviront cependant de ce terme pour justifier tout un tas de trucs que leur chien fait, comme si le fait d'être dominant donnait une sorte d'alibi à tous les comportements indésirables de leur chien et qu'il ne servait à rien de tenter de changer cela puisqu'il EST dominant, c'est un trait de caractère qu'on ne peut changer.
Ensuite, ce qui rend la question de la dominance encore plus délicate, c'est que le concept lui-même est loin d'être clair et précis. Certains considèrent qu'un chien est dominant s'il est agressif envers d'autres chiens, d'autres pensent qu'il l'est s'il essaie de monopoliser les ressources, comme la nourriture ou l'espace.
En réalité, la dominance chez les chiens est un concept beaucoup plus complexe et subtil. Il ne s'agit pas simplement d'un trait de caractère qui détermine qui est le "patron" et qui est le "soumis". La dominance est souvent contextuelle et dépend de nombreux facteurs, y compris l'âge, le sexe, le tempérament, l'environnement et les expériences passées du chien.
De plus, les comportements que nous interprétons comme étant liés à la dominance peuvent en fait être le résultat de nombreuses autres causes, telles que la peur, l'anxiété ou la douleur. Parce que oui, un chien qui a peur peut en venir à l'agression, surtout si on l'empêche de fuir parce que, par exemple, il est en laisse. Tu imagines du coup, tous ces chiens qui ont agressé parce qu'ils étaient terrifié, et à qui on a collé une bonne vieille étiquette de dominant à castrer de toute urgence, ou même pour qui la solution qui a été mise en place a pu être l'euthanasie, alors que ce chien aurait fuit si on avait simplement lâché la laisse.
En fin de compte, le problème avec l'utilisation du terme "dominant", d'après moi, c'est qu'il simplifie à l'extrême une réalité beaucoup plus complexe. Si un chien agresse un autre, cela peut être pour des tas de raisons, comme la peur par exemple. Il sera bien plus constructif d'observer la situation dans son ensemble, sans se laisser biaiser par des étiquettes posées hâtivement.
Mais assez parlé dominance. Si tu souhaites approfondir le sujet, le livre "Dominance: Mythe ou réalité?" de Barry Eaton t'apportera davantage d'éclaircissements.
Comme je l'ai dit en début d'épisode, c'est toujours pénible pour moi de parler de ce sujet, parce qu'en réalité, pour moi, il s'agit d'un non-sujet. Pourquoi ? Parce que pour étudier ou travailler un comportement, on a besoin de faits concrets, de choses mesurables, observables et indiscutables.
Or, derrière des étiquettes telles que "dominant", "soumis", "jaloux", "têtu", "méchant" ou autre, on n'a aucune idée de quels sont les comportements à travailler. Ils sonnent d'ailleurs bien plus comme des traits de caractères que des comportements et mon métier n'est pas de changer des traits de caractères, je ne sais pas faire ça.
Ce sont des termes fourre-tout qui non seulement ne veulent pas dire la même chose pour tout le monde, mais en plus ajoutent une connotation négative, comme si le chien qu'on avait en face de nous n'était pas fondamentalement bienveillant ou qu'il était dans la confrontation perpétuelle avec toi ou avec quelqu'un d'autre.
C'est d'ailleurs vrai pour nos chiens mais c'est également le cas pour nos relations avec les autres de manière générale. Lorsque je pose une étiquette sur un individu, qu'il soit chien ou humain, j'enferme inconsciemment l'autre dans une case. Notre esprit est biaisé par notre perception de la situation et la relation avec l'autre peut vraiment en pâtir. On crée des barrières invisibles qui restreignent la croissance personnelle et limitent les opportunités d'apprendre les uns des autres. Ces étiquettes deviennent des préjugés, des raccourcis qui nous empêchent de voir la richesse et la diversité des individus.
Mon point suivant est un peu plus subtil. Tu commences à me connaitre, je suis un peu perchée parfois. Cette semaine, c'était l'anniversaire de ma chienne, Leia. Je vais donc en profiter pour te parler un petit peu d'elle pour illustrer mon dernier point avant de conclure cet épisode. A son arrivée, Leia était remplie de peurs et même de phobies, particulièrement envers les humains. C'était une situation délicate nécessitant des précautions. Utiliser l'étiquette "réactive" était pratique pour expliquer rapidement la situation à ceux qui pouvaient être amenés à l'approcher, mais, en même temps, je réalisais que le fait de dire ça la figeait dans ce rôle. Quelque part, je l'enfermais dans cette étiquette mentalement, ce qui était contraire à mon objectif : la rendre à l'aise en présence d'humains. Tu vois ce que je veux dire?
Je crois fort au pouvoir de la visualisation, et là, il y avait un déséquilibre entre ce que je disais et ce que je voyais dans mon cœur. Alors, pour mettre un peu de distance avec ces paroles, j'ai développé une petite astuce mentale: j'imaginais ouvrir une fenêtre de ma maison intérieure pour dire vers l'extérieur "ma chienne est réactive", puis je fermais la fenêtre et je me concentrais sur une vision positive de Leia. Si cette image te parle et que tu ne me trouves pas trop perchée, mets moi un petit "maison" en commentaire, ça me fera chaud au cœur de savoir que tu m'as écouté jusqu'au bout.
Alors à l'avenir, essayons de maintenir nos esprits ouverts, d'être curieux et de valoriser la complexité de chacun, chien ou humain. La prochaine fois que nous serons tentés de qualifier notre chien d'une manière simpliste, rappelons nous que derrière chaque étiquette se trouve un être vivant unique en constante évolution, prêt à dépasser les limites que nous lui avons assignées. Concentrons nous sur les faits observables et mesurables. Décrire les comportements qu'on observe, plutôt que de les interpréter. Cela nous évitera de prendre bien des risques pour l'avenir de notre relation, à nos loulous et nous.
Si cet article t'a inspiré, n'hésite pas à le partager en masse parce que comme je te le disais au début, il y a encore beaucoup de choses erronées qui circulent sur le sujet et il me tient vraiment à cœur de contribuer à inverser cette tendance. Et pour ça, j'ai besoin de toi !